La vérité sur le bornage : Qui paie les frais ?

Le bornage, processus crucial pour délimiter précisément une propriété, soulève souvent la question de son financement. D'après mon expérience professionnelle, la règle générale qui s'applique est assez simple : c'est celui qui demande le bornage qui en assume les coûts. Toutefois, cette réponse mérite d'être nuancée et approfondie, car plusieurs facteurs peuvent influencer le partage des frais.

Il est essentiel de distinguer le bornage amiable et le bornage judiciaire et comprendre pourquoi l'article 646 du Code civil ne s'applique pas systématiquement. Le bornage amiable, peut permettre de répartir les frais de manière consensuelle. En revanche, le bornage judiciaire, ordonné par un tribunal en cas de désaccord, impose généralement au demandeur de prendre en charge les coûts initiaux, bien que le juge puisse en décider autrement. Plusieurs raisons expliquent cette variabilité, notamment la nature de la demande, l'état des relations entre les parties et les particularités de chaque dossier.

Dans cet article, nous allons explorer les différents aspects du bornage, en examinant à la fois le cadre juridique et les pratiques courantes. Nous tenterons de comprendre pourquoi la règle de répartition des frais énoncée par l'article 646 est souvent interprétée de manière flexible et comment cette flexibilité se manifeste dans les situations concrètes.

Le partage des frais : mythe ou réalité ?

La notion de partage  "à frais communs" dans l'article 646 du Code civil français peut prêter à confusion. Il stipule que "tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs." Cependant, il est important de comprendre que ce partage des frais n'est pas obligatoire.

En droit, les règles d'ordre public sont impératives et s'appliquent de manière stricte, principalement dans les domaines relatifs à l'intérêt général, tels que la sécurité, la santé publique, ou la justice. Ces règles ne peuvent être modifiées par un accord privé.

Toutefois, l'article 646, qui traite du bornage des propriétés, n'est pas d'ordre public. Cela signifie que, malgré ce que l'on pourrait croire à sa lecture, le partage des frais de bornage entre voisins n'est pas imposé de manière rigide. Les propriétaires peuvent librement convenir d'une répartition différente des frais selon leurs besoins et leurs arrangements spécifiques.

Cette flexibilité permet aux voisins de trouver des solutions amiables adaptées à leur situation particulière, démontrant que le droit peut parfois offrir des marges de manœuvre importantes dans l'application des textes législatifs.

Qui demande, paie : décryptage

En pratique, celui qui initie la procédure de bornage, le demandeur, est également celui qui assume généralement les frais associés. Cela inclut notamment les honoraires du géomètre-expert pour l'élaboration du plan et du procès-verbal de bornage, qui doivent être approuvés par toutes les parties impliquées. Cette approche est couramment préférée par le demandeur, car elle lui permet d'avancer rapidement dans le processus de bornage, sans dépendre du consentement de la participation financière du voisin.

il existe plusieurs situations où le demandeur peut avoir un besoin urgent de clarifier les limites de sa propriété. Cela peut être dicté par des obligations légales ou des projets de construction imminents.

Certains propriétaires sont tenus par la loi de procéder au bornage de leur terrain. Par exemple, dans le cadre de la vente d'un terrain destiné à la construction, notamment dans un lotissement même constitué d'un seul lot, il est souvent obligatoire de préciser et de délimiter clairement les frontières du terrain. Cela garantit la transparence et la sécurité juridique de la transaction immobilière, assurant que l'acheteur soit informé de manière précise des limites du bien immobilier. 

Un autre cas fréquent est celui où le propriétaire souhaite entreprendre des travaux tels que la construction d'une clôture, d'une séparation de mur, ou d'une nouvelle construction. Dans ces situations, il est essentiel de connaître exactement les limites de sa propriété pour éviter tout conflit futur avec les voisins et assurer la conformité avec les règles d'urbanisme et de construction en vigueur.

Ainsi, même si les deux parties partagent théoriquement un intérêt commun à établir les frontières de leurs propriétés, la prise en charge des frais par le demandeur facilite généralement un accord amiable et rapide.

En conclusion,  dans le cadre du bornage des propriétés, il est habituel et pragmatique que le demandeur assume, seul, les frais nécessaires.

Bornage judiciaire : qui ​assume les frais ?

Lorsque la procédure de bornage est engagée devant un tribunal, chaque partie doit assumer ses propres frais d'avocat. De plus, si le juge désigne un expert de justice pour établir un rapport, les frais d'expertise sont à la charge de la partie qui a demandé la procédure. Ces frais peuvent être significatifs et dépassant souvent les 3000 € pour la délimitation d'une seule limite de propriété.

Dans le cadre judiciaire, il est rare que le tribunal ordonne par la suite le partage de ces frais entre les parties même si cette possibilité ne lui est pas interdite.

Il est donc essentiel que les avocats soient vigilants à cet égard pour défendre au mieux les intérêts financiers de leurs clients.

Combien coûte un bornage ?

Le prix, estimé dans un devis écrit, résulte de la complexité de la mission. Les éléments constitutifs du coût du bornage comprennent notamment les travaux techniques fonciers, les analyses juridiques, le respect du contradictoire, l’établissement du procès-verbal de bornage, sa diffusion, sa conservation… Dans le cas où des investigations ou des travaux complémentaires sont rendus nécessaires par l’évolution de la mission, un devis complémentaire est proposé au client. 

Le règlement des honoraires ne peut être conditionné à l’obtention de l’accord des parties.  
Comprendre et gérer les frais de bornage est crucial pour tout propriétaire désireux de protéger ses intérêts. Mais le bornage est un tout et ne se résume pas à un simple prix. Chacun doit respecter ses obligations et favoriser une bonne entente avec ses voisins. Le géomètre-expert sera là pour expliquer aux parties les notions juridiques et techniques permettant de convaincre les riverains d'adopter "la bonne limite".

 


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